Journal Allaitant n° 16 Bourgogne-Franche-Comté

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Octobre 2025 - N° 16

JOURNAL ALLAITANT

La génomique au service de la filière allaitante

 
 
 

Le laboratoire TERANA basé à Nevers (58) analyse chaque année plusieurs milliers de bovins. Ci-dessous, les résultats des animaux charolais testés sur l’ataxie, les mutations du gène culard et le gène sans corne Celtic en 2024.

Source : TERANA 2025

 
 
 
 

Témoignage d’Anthony GAUDET,
GAEC GAUDET, Fabien et Anthony à Marly-sur-Arroux (71)

Présentation de l’exploitation

  • 2 UMO.
  • 230 hectares dont 40 ha de triticale.
  • 120 vêlages de décembre à mars.

 

Production

  • Engraissement de toutes les femelles de réforme.
  • 50 % des mâles sont vendus en broutards.
  • 50 % des mâles sont vendus à la reproduction (en ferme ou en vente aux enchères).

 

Comment utilisez-vous les gènes d’intérêt dans votre travail de sélection ?

 

Dans un premier temps, nous demandons aux vendeurs l’analyse des gènes d’intérêt pour tous les taureaux que nous achetons. Nous tenons à connaître le statut des gènes culards, sans corne et ataxie des taureaux que nous achetons pour être en mesure de gérer les accouplements sur nos vaches.  Aimant sélectionner et travailler les critères de viande, notre objectif est d’avoir des veaux avec beaucoup de finesse de viande et de très bonnes qualités bouchères mais sans tares.

 

En connaissant les statuts de tous nos taureaux, cela nous permet de mettre toutes les chances de notre côté pour avoir des animaux hétérozygotes Q204X ou F94L (Mh Beef), voire des doubles hétérozygotes (Q204X/F94L) en minimisant le risque d’avoir des homozygotes Q204X (et donc limiter les difficultés de vêlage, problème cardiaque et grosse langue).

 

Aussi, nous faisons les analyses des gènes d’intérêt et les filiations de tous les mâles que nous souhaitons vendre à la reproduction.

 Uppercut, taureau homozygote MhBeef né dans l’élevage ©GAEC GAUDET

Quels sont les intérêts de faire ces analyses ?

 

Cela nous permet d’arriver plus vite à nos objectifs de sélection. C'est en connaissant le potentiel génétique de nos animaux que nous maîtrisons au maximum les accouplements pour essayer de faire naître les veaux souhaités.

 

Aussi, nous accordons une grande importance à garder une certaine diversité génétique. Pour cela, nous n’écartons pas d’animaux porteurs de certains gènes de manière systématique mais nous préférons gérer les accouplements et garder les animaux avant tout pour leurs qualités et leurs potentiels génétiques supérieurs.

Témoignage au GAEC MUNIER à Cessey-les-Vitteaux (21)

Présentation de l’exploitation

  • 3 UMO.
  • 370 hectares de SAU dont 140 ha de champs.
  • 140 vêlages charolais de décembre à avril.
  • 100 agnelages berrichon du cher et 10 texel.

Production

  • 100 % des mâles sont vendus en broutards.

Génétique

  • Contrôle de performances bovins depuis 2023.
  • Contrôle de performances ovins depuis 2025.
  • IA depuis 12 ans + monte naturelle (6 taureaux).

Lisa Griffond, Quentin et Sylvain Munier, gérants du GAEC MUNIER,

au milieu du renouvellement femelles sans corne ©BFC

Comment avez-vous intégré la génomique dans votre travail au quotidien ?

 

Nous travaillons la génomique sur notre voie femelle, mais aussi sur la voie mâle. Nous avons pour objectif d’obtenir un cheptel 100 % sans corne avec au minimum 70 % d’animaux porteurs homozygotes. C’est pourquoi nous procédons au génotypage des trois quarts de nos laitonnes (environ 35 par an), après un premier tri visuel. Les résultats des génotypages nous permettent de nous focaliser sur 3 critères de sélection, les plus importants pour nous, en plus des gènes d’intérêt. Il s’agit de la facilité de naissance (IFNAIS), de la production laitière (ALait) et du caractère (COMPsev). Nous faisons également attention aux résultats ataxie et culard car nous avons des animaux porteurs hétérozygotes et nous devons raisonner nos accouplements en fonction.

 

C’est pourquoi sur la voie mâle, nous n’achetons pas un reproducteur si celui-ci n’est pas génotypé. Nous sélectionnons les mêmes critères que pour nos femelles, sans oublier le gène sans corne.

Nous avons déjà eu l’occasion d’acheter des reproducteurs porteurs hétérozygotes culard ou ataxie, voire les deux, c’est pourquoi il est indispensable pour nous de connaître le statut de notre renouvellement pour optimiser nos accouplements et limiter la production d’homozygotes porteurs de ces mutations. Nous ne voulons pas non plus nous priver d’un bon reproducteur sous prétexte qu’il est porteur d’ataxie par exemple.

 

Nous travaillons en lien avec notre inséminateur et notre technicienne Bovins Croissance pour mixer génomique et performance de l’animal afin de réaliser les meilleurs choix de renouvellement et améliorer notre génétique d’année en année. Pour nous, le contrôle de performances est complémentaire à l’utilisation de la génomique, il affine notre sélection et nous permet d’aller encore plus vite. Nous avons beaucoup gagné en facilité de vêlage, une seule sortie de la vêleuse sur 140 vêlages cette année et c’est un vrai confort de travail permis par la génomique.

 

Au GAEC MUNIER, renouvellement femelles sans corne ©BFC

Quelle valorisation faites-vous de ce travail génétique ?

 

Pour le moment, nous ne valorisons pas encore tout ce travail génétique car nous sommes seulement en train de fixer sérieusement le gène sans corne dans notre cheptel, après déjà 10 ans de travail. Sur la campagne 2025, près de 90 % de nos veaux nés sont sans cornes et nous voulons d’abord retrouver une homogénéité dans notre production, stabiliser le cheptel.

Notre objectif à court terme sera de valoriser notre génétique avec la vente de reproducteurs.

 

C’est pourquoi nous envisageons l’inscription du cheptel au Herd-Book Charolais, afin d’ouvrir nos possibilités de valorisation, notamment avec la participation aux stations d’évaluation charolaise, comme celle de Créancey.

 
 
 
 

Pour bien comprendre le sujet évoqué, quelques définitions de bases

 

Le gène est une séquence d’éléments des chromosomes présents dans chaque cellule d’un animal, dont l’expression affecte les caractères de cet animal. Exemple : gène culard, gène sans corne.

 

La génétique étudie l'organisation, le fonctionnement, la régulation et la modification des gènes, tant dans leur transmission d'une génération à l'autre que dans leur expression au sein d'un même individu. La génomique, elle, étudie le fonctionnement d'un animal, d'un organe, d'une cellule à l'échelle du génome, c’est à dire de l’ensemble des gènes au lieu de se limiter à l'échelle d'un seul gène.

 

Certains caractères sont dits qualitatifs, codés par un petit nombre de gènes, et se définissent par une qualité (couleur, cornage...) dont la variation est discontinue. D’autres sont dit quantitatifs, généralement codés par de nombreux gènes différents, et peuvent être classés sur un continuum (poids, taille...) et être influencés par l'environnement.

 

Pour un gène donné, un individu est dit homozygote lorsqu'il possède une copie du gène sur chacun des 2 chromosomes portant le gène et hétérozygote lorsqu'il n'en possède qu'une seule sur l'un de ces 2 chromosomes. Cette information est essentielle dans la transmission des caractères d’un animal.

 

Si l'expression d'un caractère ne nécessite qu'une seule copie d'un gène (un allèle), ce trait est considéré comme dominant (exemple du gène sans corne). Si l'expression d'un caractère nécessite 2 copies d'un gène (2 allèles), ce trait est considéré récessif.

 

 

Dans ce cas, l’expression du caractère pourra apparaître sur un animal issu d’un accouplement entre 2 animaux qui ont chacun un allèle et qui eux-mêmes n’exprimaient pas ce caractère. D'où l’importance lors des accouplements de connaître au mieux les différents gènes existants pour chacun des individus.

 

L’analyse génomique d’un animal permet de repérer la probabilité de présence ou non de gènes et ainsi maîtriser le caractère au sein de l’élevage. Sélectionner des individus porteurs si le caractère présente un intérêt pour l’éleveur ou si le caractère est jugé délétère pour l’élevage, gérer les plans d’accouplement pour ne pas avoir d’animaux homozygotes, voire éliminer les animaux porteurs.

 

L’analyse génomique d’une population permet de la caractériser, de comparer les individus les uns par rapport aux autres et de fournir des index génomiques à chaque caractère étudié, c’est-à-dire la valeur la plus probable concernant le caractère. La pertinence de ses index dépend de la taille de la population ayant une analyse génomique : plus le nombre d’individu typé est important, plus l’analyse sera pertinente. La mise en place en fin 2025 d’une nouvelle méthode d’évaluation génétique (le single step) combinant les index polygéniques (calculés à partir des données phénotypiques) et les index génomiques, permet d’augmenter la fiabilité des index de chaque animal.

 

D’autre part, lors de la reproduction, des mutations peuvent apparaître. Ce sont des modifications de l’information génétique dont les répercussions vont dépendre de son emplacement, et qui peuvent être transmises à ses descendants.

 

 

Description du gène culard et de deux de ses mutations :

F94L et Q204X

 

Parmi les différentes mutations présentes en race allaitante, celles du gène culard sont les plus connues. Parmi les 9 mutations présentes, il existe 2 mutations, plus ou moins appréciées des éleveurs charolais car chacune d’elle apporte des avantages, mais également des inconvénients.

 

La mutation Q204X

 

Les animaux dit « culards » sont soit porteur d’une copie (hétérozygote) ou de deux copies (homozygote) de cette mutation. Les animaux porteurs expriment ainsi plus de développement musculaire. Cette mutation est caractéristique de la race Charolaise. La fréquence de la mutation est d’environ 22 % et peut différer au sein d’un élevage selon son orientation : viande, mixte ou élevage. Cette mutation est également recherchée en race Rouge des Prés, Parthenais, Limousin, Aubrac et Salers, avec l’objectif de ne pas la sélectionner pour les trois dernières races. En effet, l’augmentation de la masse musculaire des animaux peut avoir un impact sur les facilités de naissance en raison d'une légère augmentation du poids du veau. Autre point constaté, les animaux porteurs homozygotes culards semblent plus sensibles avec une mortalité plus élevée ainsi que des qualités maternelles amoindries.

 

Gérer la mutation Q204X à l’état hétérozygote est donc un bon moyen d’optimiser les avantages qui lui sont liés, mais il existe une autre mutation très présente en race limousine (avec + de 94 % des animaux porteurs) et découverte récemment en race charolaise.

 

La mutation F94L, aussi appelée Mhbeef

 

Les animaux porteurs de cette mutation n’ont pas un développement musculaire aussi prononcé qu’avec la mutation précédente, mais présentent plus de développement squelettique et de finesse dans leurs masses musculaires. Ils ont un meilleur « coup d’œil » avec toujours autant de finesse d’os. Gros point positif, les animaux porteurs hétérozygotes ou homozygotes F94L présentent peu, voire aucun risque pour les vêlages, contrairement à la mutation Q204X qui nécessite plus d'attention. Certains éleveurs charolais cherchent à combiner la mutation F94L avec la mutation Q204X pour augmenter encore plus la conformation viande et profiter des effets bénéfiques des mutations l’une envers l’autre. Des recherches françaises ont montré une augmentation de 2,3 % de rendement en viande supplémentaire pour les animaux porteurs hétérozygotes, mais également une augmentation du rendement de carcasse et du rendement en viande qui gagne au même titre en qualités gustatives.

 

En pratique, il a semblé nécessaire d’étudier ces deux mutations au sein d’une population charolaise. C’est pourquoi le tableau ci-dessous présente l’analyse de 274 veaux charolais inscrits au HBC étudiés lors de leur passage à la Station d’Evaluation de Créancey entre 2020 et 2025. Tous étant en conduite d’élevage identique, il a été fait le choix de comparer deux index, l’IFNAIS et l’IMOCR en fonction du statut génétique culard de chacun.

 

L’IFNAIS est l’Index de Facilité de Naissance, il traduit l’aptitude d’un veau à naître. L’IMOCR est l’Index Morphologie-Croissance, index de synthèse en station d’évaluation. Il combine les index Potentiels de Croissance, Développement Musculaire, Développement Squelettique, Aptitudes Fonctionnelles, calculés à partir des résultats d’évaluation en station, ainsi que les index Aptitude au Vêlage et Facilité de Naissance, issus de leur génotypage ou du calcul sur ascendant.

 

Chaque individu a été classé suivant son statut génétique culard, c’est pourquoi il a été comparé des animaux porteurs hétérozygotes Q204X (Mh/+), des animaux porteurs hétérozygotes F94L (Mh Beef/+), des animaux porteurs homozygotes F94L (Mh Beef/Mh Beef), des animaux porteurs hétérozygotes des deux mutations (Mh/Mh Beef) et enfin des animaux non porteurs du gène culard.

Dans cette étude, on ne retrouve pas d’animaux porteurs homozygotes Q204X, car généralement non conformes aux critères d’entrée dans cette station d’évaluation. On observe une différence d’IMOCR et d’IFNAIS assez significative en fonction du statut culard de l’animal avec un delta de 9 points entre les meilleures et les moins bonnes moyennes d’index. Comme évoqué précédemment, on retrouve le fait qu’un animal porteur des deux mutations (Q204X / F94L) est plus complet, avec de gros points de forces dans son potentiel de croissance et ses développements, cependant, il ressort avec des facilités de naissance un peu inférieures par rapport aux animaux porteurs hétérozygotes d’une seule mutation. 

 

Pour les éleveurs charolais qui ne souhaitent pas de possibles complications au vêlage, il est évident qu’un animal non porteur du gène culard est à privilégier, même si cela induit des performances légèrement diminuées.

Il apparaît enfin que les animaux porteurs hétérozygotes Q204X ou homozygotes F94L sont les plus équilibrés avec un potentiel de performances assez intéressant, sans dégradation majeure des facilités de naissance.

 

Cette étude montre l’importance de sélection d’un reproducteur en fonction de son orientation de production, permis par la génomique. 

 

L’intérêt de connaître le statut génétique culard du reproducteur que l’on souhaite acheter est de permettre un accouplement raisonné sur ses femelles pour optimiser ses performances, sans altérer d’autres critères de sélection.

Veau limousin génétiquement sans corne (porteur hétérozygote) ©BFC

Description du gène sans corne

 

Une autre mutation régulièrement recherchée est celle responsable du caractère sans corne.

Présent naturellement chez certaines races bovines comme l’Angus, la Galloway ou la Hereford, le gène sans corne est travaillé et sélectionné par d'autres races allaitantes (Charolais, Limousin, Rouge des Prés, Parthenaise…) pour éviter l’écornage et faciliter le travail de l’éleveur.

 

Le gène sans corne est un trait dominant dans l’ADN d’une vache et donc le gène cornu est récessif. Cela signifie qu’un seul parent, soit le taureau ou la mère, doit porter le gène sans corne pour engendrer un veau sans corne.

 

Il existe deux types de taureaux sans corne, hétérozygotes et homozygotes. Les animaux hétérozygotes (P) ont une copie du gène sans corne, et les homozygotes (PP) ont deux copies du gène sans corne.

 

Cependant la gestion du caractère sans corne n’est pas si évidente car il existe d’autres manifestations du caractère comme les « cornes branlantes » ou les « scurds » ​​​​​​dont toutes les mutations ne sont pas encore totalement connues.

Légende :

 ©Plaquette géno-Aveyronlabo2022

D’autres mutations présentes dans différentes races allaitantes

 

Quand des mutations s’opèrent au cours de la création des chromosomes d’un bovin, on peut voir apparaître des anomalies génétiques à la naissance ou au cours de la vie de l’animal. Chaque race bovine a son lot de tares génétiques, plus ou moins répandues au sein des populations. Les organismes de sélection travaillent à limiter leur propagation.

Concernant les anomalies génétiques récessives, il est important d’identifier les porteurs hétérozygotes pour raisonner ses accouplements. L’objectif n’est pas d’éliminer tous les animaux porteurs de la mutation, car ils peuvent apporter d’autres qualités en termes de production, mais de les utiliser avec parcimonie et en combinaison avec des individus sains.

Veau porteur de la DEA (sans poils et sans dents) 

©BFC

Intérêt pour les éleveurs et la filière​​​​

 

Certains gènes ont un impact positif sur la qualité et la valeur de l’animal. Par exemple, un taureau porteur du gène sans corne a une valeur marchande supérieure et encore plus s’il est homozygote car 100 % de sa descendance sera elle aussi sans corne. 

 

Les veaux de ce taureau n’auront donc pas besoin d’être écornés, ce qui apporte un plus pour le bien-être animal et celui de l’éleveur.

Aussi, les animaux porteurs des gènes culards vont avoir des qualités bouchères supérieures avec des rendements viande très élevés et sont d’autant plus appréciés pour l’engraissement. Avec des classements carcasse plus élevés, ces animaux sont mieux valorisés.

 

Pour être pris en station d’évaluation, les veaux doivent obligatoirement avoir leur statut génétique connu (gènes d’intérêt différents selon la race). Cela permet d’apporter encore plus de garanties et de connaissances du potentiel génétique pour les futurs acheteurs.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

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Mickaël LARDENOIS - Chargé de mission Elevage - mickael.lardenois@bfc.chambagri.fr - 06 75 67 62 85

Chambre Régionale d’Agriculture Bourgogne-Franche-Comté
Site Bretenière (21110) - 1, rue des Coulots

Site Ecole Valentin (25480) - 12 rue de Franche-Comté

Crédit Photos : ©Chambres d'agriculture BFC

 

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