Journal Allaitant n°5 Bourgogne-Franche-Comté

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Janvier 2024 - N°5

JOURNAL ALLAITANT

Maîtriser ses charges, facteur déterminant du revenu

 
 
 
 
 
 
 
 

GAEC Plançon, aux Bruyères sur la commune de Digoin en Saône-et-Loire (71)​​​​

Le GAEC est constitué de deux frères, Jacky et Philippe (49 et 56 ans), qui exploitent 250 ha dont 210 ha de prairies permanentes et 20 ha de prairie temporaire. Une vingtaine d’hectares de céréales contribue à l’alimentation du troupeau allaitant comptant 170 vaches charolaises et des génisses grasses. Environ 60 % des femelles sont vendues en AOP Boeuf de Charolles, les mâles sont vendus maigres.

 


« Nos choix sont faits autant sur nos produits que sur nos charges ».
 
« Bien sûr, être éleveurs, c’est d’abord du temps de travail. Mais dégager du revenu en commercialisant nos animaux dans la filière de qualité AOP Boeuf de Charolles, donc dans un produit à forte notoriété, c’est valorisant. Nous aimons le contact avec les animaux, la liberté et l’autonomie du métier, les saisons qui se suivent en n’étant jamais pareilles, et nous apprécions de travailler à deux. Nous faisons en sorte d’adapter nos pratiques et en particulier de raisonner les investissements en fonction de la taille de l’exploitation, pour nous rémunérer à hauteur de notre engagement.
 
Nous mettons un point d’honneur à respecter le cahier des charges de l’AOP Bœuf de Charolles, et tous les choix qui sont faits en matière de conduite du troupeau sont liés à la volonté de produire en AOP :

gestion de l’intervalle vêlage-vêlage, recherche d’autonomie pour l’alimentation et l’engraissement des animaux, achat raisonné de tourteaux, pâturage tournant, plein air intégral pour une soixantaine de génisses et une quarantaine de laitonnes grâce à des sols portants, maîtrise de l’engraissement. Nous faisons pâturer au maximum les parcelles ou parties de parcelles qui le permettent quelle que soit la saison, et cela prépare particulièrement bien les génisses.

 

Mais nous avons aussi une approche économe et gardons continuellement un œil sur le niveau des charges. Un bâtiment récent avec toiture photovoltaïque côtoie des bâtiments anciens bien entretenus et « modernisés » autant que possible, ce qui a évité de lourds investissements. Une grosse partie du matériel relève de la CUMA : télescopique, épandeur à fumier, enrubanneuse, remorques-plateaux et bennes… De ce fait, le besoin en matériel reste limité. Nous achetons ce qui nous est indispensable, et nous sommes attentifs à assurer un bon entretien de l’existant. Ainsi, deux tracteurs de presque 50 ans nous rendent encore bien des services ! Au total, nous avons 1,75 cv/ha de puissance mécanique en propriété, ce qui est plutôt faible. Grâce à cette modération en termes d’investissement matériel, la part des charges totales de mécanisation (propriété + CUMA) dans le coût de production n’a évolué en 10 ans que de 10 centimes par kilo de viande vive (kgvv) pour s’établir à 77 centimes/kgvv en 2023. La moyenne du groupe régional suivi par Cerfrance dépasse 1,15 €/kgvv de charges de matériel. Cet écart illustre le gain de marge potentiel quand on tient compte du fait que des dizaines de tonnes de viande vive sont produites chaque année par associé.
 
Au total, nous avons un rapport annuités/EBE de 27 %. Et, surtout, les études de coûts de production que nous faisons faire depuis 10 ans montrent que tout au long de cette période, le prix de vente de nos animaux a toujours couvert le prix de revient intégrant une rémunération de 2 SMIC par associé. En 2023, notre prix de revient est inférieur d’un tiers au prix de revient moyen du groupe Cerfrance, ce qui valide notre approche couplant production AOP et maîtrise des charges. Cette situation rassurante sera nous l’espérons un atout en termes de future transmission de l’exploitation, quand le moment viendra. »

 
 
 

Contexte :

 

Etre agriculteur en général, et être éleveur en particulier, c’est avant tout exercer un métier de passion. Mais bien entendu, c’est aussi une activité professionnelle devant dégager un revenu convenable, si possible à la hauteur du travail fourni et des capitaux engagés.

 

De longue date, il est observé que le revenu moyen des éleveurs bovins allaitants se situe plutôt en-deçà du revenu moyen agricole français, avec des écarts importants selon les situations. Les données récentes disponibles sur les années 2022 et 2023 mettent en évidence une légère amélioration des résultats en élevage bovin, car les prix des animaux ont augmenté légèrement plus que les charges, mais les écarts entre éleveurs demeurent.

Les 3 voies pour augmenter le revenu :

 

Comme c’est le cas pour toute entreprise, il y a 3 leviers principaux en élevage allaitant pour augmenter le revenu :

  • augmenter la valeur des produits,
  • augmenter la productivité de l’élevage et du travail,
  • diminuer les charges.

Augmenter la valeur des produits peut résulter, par exemple, d’un engagement dans des productions sous signe officiel de qualité (AOP, label rouge, bio…), d’une adhésion à des marques spécifiques valorisées par l’aval (démarches avec des abatteurs ou des distributeurs), d’une meilleure valorisation par le raccourcissement des circuits (circuit court, circuit de proximité, vente directe), d’un engagement dans une filière de sélection génétique et d’élevage d’animaux reproducteurs, le tout, sans préjudice du respect de la loi Egalim 2. Il convient parfois d’être attentif au surcroît de travail que ces pratiques peuvent générer, et aux coûts induits qui sont parfois élevés, mais en engageant tout ou partie du cheptel de l’exploitation dans ce type de démarches, le prix unitaire moyen du kilo de viande s’en trouve revalorisé.

 

Augmenter la productivité de l’élevage et du travail passe par des actions portant sur de nombreux paramètres du système et des pratiques d’élevage. Certains paramètres ont déjà fait l’objet de plusieurs numéros du Journal allaitant (pâturage tournant, amélioration de l’autonomie, modification des périodes de vêlage). De nombreux leviers existent dans les différents domaines que sont l’alimentation et la santé des animaux, l’ensemble des performances zootechniques, l’organisation du travail, la productivité du travail grâce à du matériel moderne et adapté aux besoins, la qualité et la praticité des bâtiments, l’expérience de l’éleveur, etc. Tous ces domaines inhérents au métier d’éleveur recèlent souvent des potentiels d’amélioration susceptibles d’avoir des conséquences réelles sur le niveau de productivité et donc sur la rentabilité de l’élevage. 

 

Diminuer les charges constitue le levier le plus puissant au service du revenu. En effet, si une maîtrise très insuffisante de la productivité pénalise inévitablement les éleveurs concernés, et si a contrario, une excellente productivité améliore substantiellement le revenu, il apparaît que pour la majorité des éleveurs ayant des indicateurs de productivité comparables, c’est le niveau des charges qui constitue le principal paramètre déterminant le niveau de revenu.

 

Pour permettre à tout éleveur de connaître et d’analyser ses résultats technico-économiques et de se positionner par rapport à d’autres éleveurs, les outils de calcul des coûts de production sont très utiles. L’outil COUPROD élaboré par l’Institut de l’élevage, de plus en plus utilisé, fournit des résultats concrets, facilement interprétables, aisément comparables et visuellement très parlants. C’est un outil très pratique au service de l’amélioration du revenu.

Les chiffres Cerfrance de Bourgogne-Franche-Comté en matière de coûts :

 

Depuis quelques années, Cerfrance effectue des analyses statistiques des coûts de production des adhérents, en utilisant une méthode basée sur celle de l’outil COUPROD. Un indicateur synthétique du prix de revient par exploitation est calculé. Il correspond au prix théorique auquel les animaux devraient être payés à l’éleveur pour que ce dernier puisse couvrir l’ensemble de ses charges, dont sa rémunération fixée à 2 SMIC par convention Interbev (pour permettre les comparaisons sur une même base). Toutes les charges et les aides PAC sont intégrées. Ce prix de revient peut être comparé au prix moyen réel des animaux vendus par l’éleveur, et la différence met en évidence la capacité ou l’incapacité de l’éleveur à se rémunérer à hauteur de 2 SMIC, ce qui permet ensuite d’identifier des axes d’amélioration.

 

NB : Dans l’outil COUPROD, les résultats sont exprimés par kilo de viande vive (ou par quintal de viande vive). Dans le graphique ci-dessous, afin d’être plus parlants vis-à-vis des cours des gros bovins, les chiffres sont exprimés par kilo de carcasse en retenant un rendement moyen de carcasse de 55 % tous animaux confondus.

Les résultats ci-dessous concernent un échantillon d’environ 300 ateliers naisseurs de Bourgogne-Franche-Comté, à partir des comptabilités de l’exercice 2022 (les ateliers naisseurs-engraisseurs de femelles présentent des résultats tout-à-fait comparables). Ils illustrent la grande dispersion des prix de revient calculés, sachant que l’idéal pour un éleveur est d’obtenir un prix de revient plutôt bas afin que les prix des animaux vendus puissent le compenser.

Repères : 

Cours moyens des bovins en 2022 (FAM) : 

  • vache R+ : 5,21 € / kgc ;          vache U= : 5,45 € / kgc
  • broutard 350 kg : 3,31 € / kg vif (soit 6,03 € / kgc)

Il apparaît que seulement 30 à 40 % des élevages allaitants présentent un prix de revient comparable au prix des animaux vendus (globalement, un peu moins de 6 €/kg de carcasse en 2022) : ces 30 à 40 % d’éleveurs ont la possibilité de se rémunérer à hauteur de 2 SMIC au moins (par unité de main d’oeuvre exploitant). Et donc, a contrario, 60 à 70 % des éleveurs ne dégagent pas assez de résultat pour se rémunérer au niveau de 2 SMIC. La situation est particulièrement aiguë pour environ 20 % des éleveurs qui ont un prix de revient 1,5 à 2 fois plus élevé que les plus performants et que le prix des animaux vendus. Leur rémunération est faible, inférieure à 0,5 SMIC (voire négative). Même si les animaux étaient payés 2,50 € de plus par kilo de carcasse, ces éleveurs ne parviendraient pas à se rémunérer à hauteur de 2 SMIC. Et entre ces deux groupes d’éleveurs, environ 40 % ont des prix de revient permettant de dégager des revenus de l’ordre d’1 à 1,5 SMIC.

Origine des écarts de prix de revient et pistes d'amélioration : les charges

 

L’Institut de l’Elevage suit annuellement les résultats d’un échantillon de fermes de référence du Bassin Charolais. Un zoom peut être fait sur les résultats 2022 de 25 exploitations en système naisseurs avec engraissement de femelles, dans lesquelles la production annuelle de viande vive par exploitant est comprise entre 30 et 60 tonnes, ce qui recouvre la majorité des éleveurs. Au sein de cet échantillon, les prix de revient varient entre 2,18 €/kgvv (kilo de viande vive) et plus de 4 €/kgvv.

 

Les exploitations peuvent être réparties en 3 groupes en fonction du niveau du prix de revient. Le premier tiers a un prix de revient inférieur à 2,70 €/kgvv, le deuxième tiers a un prix de revient compris entre 2,70 et 3,40 €/kgvv et le dernier tiers a un prix de revient supérieur à 3,40 €. 

 

Les caractéristiques principales des exploitations moyennes de chaque groupe sont très proches (tableau ci-joint). En particulier, les indicateurs de productivité (par UMO et par UGB) sont tout à fait comparables, et les tailles des ateliers d’élevage, quoi qu’un peu différentes, relèvent du même ordre de grandeur.

La comparaison des coûts de production met en évidence, pour ces ateliers charolais assez semblables, l’origine des écarts de prix de revient

Il apparaît ainsi que le niveau des produits est quasi-identique entre les trois groupes. Il est d’ailleurs à noter qu’en 2022, la valeur des animaux vendus est exactement identique dans les trois groupes (296 € / 100 kgvv). Ce n’est donc pas le montant des produits qui influe sur les écarts de prix de revient observés entre les exploitations moyennes de chaque sous-groupe. En revanche, les écarts de niveau de charges sont significatifs entre les trois groupes.

 

En raisonnant sur les charges hors rémunération de la main d’oeuvre, cette dernière étant finalement la marge réelle dégagée pour l’exploitant après qu’il ait tout payé, l’écart de niveau de charges atteint 114 €/100 kgvv entre les deux groupes extrêmes, ce qui correspond environ à 2,07 €/kg de carcasse. Ceci signifie qu’indépendamment du niveau respectif de leur rémunération, les éleveurs du groupe 3 auraient besoin de cours des animaux supérieurs d’environ 2 €/kgc à ceux des éleveurs du groupe 1 pour couvrir l’ensemble des autres charges. L’effet de la maîtrise des charges est ainsi clairement avéré.

 

L’analyse détaillée des écarts de charge met en évidence le poids de la mécanisation (qui explique 42 % des écarts de charges hors main d’oeuvre entre les deux groupes extrêmes) et du coût d’alimentation et de gestion du troupeau (en particulier les coûts liés à la surface fourragère et aux achats d’aliments). Les charges liées aux bâtiments viennent ensuite.

A RETENIR​​

Des nombreuses analyses de coût de production existantes, il ressort 4 données essentielles :

  • pour des élevages comparables en taille, sauf situation extrême liée à une maîtrise insuffisante des performances zootechniques, ou à l’opposé à leur excellente maîtrise ou à des productions particulières (reproducteurs par exemple), le montant des produits de l’élevage (vente d’animaux et aides PAC) est sensiblement équivalent entre les exploitations.
  • avant prise en compte de la rémunération des exploitants, produire un animal vendu au même prix revient 1,3 à 1,5 fois plus cher au tiers des éleveurs ayant in fine une faible rémunération qu’au  tiers des éleveurs ayant in fine une rémunération « correcte ».
  • les charges de mécanisation à elles seules expliquent environ 40 % des écarts de revenu, et avec les charges de bâtiment, elles expliquent 50 % des écarts de revenu. Il apparaît donc clairement que le niveau des investissements en matériel et en bâtiment devient une préoccupation majeure pour les éleveurs, qui doivent en raisonner l’ampleur et la durée.

 

  • les charges d’alimentation du troupeau (surfaces fourragères, cultures destinées aux animaux, achats d’aliments) expliquent 20 à 25 % des écarts observés. C’est pourquoi la maximisation de l’herbe et des fourrages en fonction des conditions de production spécifiques à chaque exploitation constitue le pilier de l’élevage durable de demain, économiquement et écologiquement.

En synthèse, il est observé le plus souvent que chaque poste de charge est systématiquement plus élevé chez les éleveurs les moins rémunérés. Tout l’intérêt des démarches d’analyse de gestion et de coût de production est d’identifier les marges de manœuvre spécifiques à chaque exploitation, car il est somme toute logique que, dans une certaine mesure, tous les élevages n’aient pas le même coût de production : les conditions pédoclimatiques, la dispersion du parcellaire, les besoins en matériel et en bâtiment, le caractère récent de l’installation constituent autant de facteurs qui influent sur le coût de production. Cependant, l’activité n’est viable que si les charges qui en résultent sont réduites.

 
 
 
 
 
 
 
 

En premier lieu, analyser ses résultats comptables en prenant appui sur son coût de production de l’atelier bovin.


Et, en second lieu, chercher à diminuer en priorité les charges dues au matériel et aux bâtiments en raisonnant le besoin de chaque investissement, et les charges d’alimentation du troupeau en maximisant le pâturage, l’herbe et les fourrages autoproduits, dans l’optique de s’engager peu à peu vers un élevage autonome et économe. 

 
 
 
 

La méthode COUPROD développée par l’Institut de l’Elevage permet de quantifier les montants des principaux postes de charges et de se comparer par rapport à d’autres exploitations. N’hésitez pas à contacter votre centre de gestion, la Chambre d’agriculture, votre Association d’éleveurs ou votre coopérative à cet effet.

Présentation Cerfrance Fermoscopies Bourgogne-Franche-Comté

 
 
 

 

Contacts :

Claire LASSAUGE - Chargée de mission Elevage - claire.lassauge@bfc.chambagri.fr - 06 75 67 62 85

 

Chambre régionale d'agriculture Bourgogne-Franche-Comté

1 rue des Coulots - Maison de l'agriculture - 21110 BRETENIERE

 

Crédit Photos : ©Chambres d'agriculture BFC

 
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