Quand êtes-vous venu pour la première fois à la Tour du Valat et pour quelle occasion ?
Je suis venu à la tour du Valat pour la première fois durant l’été 1993, j’avais 23 ans. Un ami naturaliste de passage dans le sud, Pierre Yésou, également ami de Jean-Paul Taris, était invité à donner un séminaire sur les goélands suite à une mission dans les plaines du Taïmyr. Comme je réalisais un stage près de Montpellier, Pierre me dit : « tu devrais venir à mon séminaire, ce sera l’occasion pour toi de découvrir la Tour du Valat ». Suite à l’exposé de Pierre, Jean-Paul me proposa de rester diner avec eux… ce fût le début d’un véritable tournant dans ma vie de biologiste.
Quelle a été votre première impression ?
Lors de ce fameux diner avec Jean-Paul, je fus émerveillé en l’écoutant parler des activités de la Tour du Valat. Pour le jeune naturaliste et scientifique que j’étais, je ne pensais même pas qu’un endroit comme la Tour du Valat pouvait exister, un rêve, et Jean-Paul en parlait si bien ! Il était tard, nous avions bien mangé et, il faut bien l’admettre, bien bu aussi, il n’était pas raisonnable que je reprenne la route. Jean-Paul me dit : «non, non, tu restes dormir à la Tour du Valat et comme je me lève très tôt demain pour travailler, je te réveillerai aussi et tu seras à l’heure». Vers 6h du matin, nous avons pris le petit déjeuner ensemble, et discuté des possibilités d’un stage à la Tour du Valat pour l’été suivant. Je suis reparti « différent », avec une seule envie, être déjà à l’été prochain ! J’ai échangé régulièrement avec Jean-Paul jusqu’à l’été 1994. Les deux mois de stages l’été suivant furent à la hauteur de mes attentes, et depuis je ne me suis jamais éloigné de la tour du Valat. Ma thèse fut codirigée par la Tour du Valat, mon post-doc en Nouvelle-Zélande financé en grande partie par Luc Hoffmann, et au retour de celui-ci, la Tour du Valat m’a proposé un autre post-doc, sur les Hérons avec Heinz Hafner. Bien des années plus tard, en 2017, ce fût un honneur et une grande émotion pour moi d’être invité à donner la conférence Heinz Hafner.
Quel est votre meilleur souvenir à la Tour du Valat ?
Un matin vers 5h30, au tout début du printemps, nous étions avec Heinz dans une roselière à rechercher des nids de hérons en s’aidant d’une photo aérienne faite quelques jours avant. Nous étions en cuissardes, pas en waders. Heinz était devant, surexcité comme un jeune étudiant de Licence à l’idée de trouver les premiers nids de la saison, et alors que nous progressions dans la roselière, il se tourna doucement et me dit à voix basse « ça va déborder ». Bigre, il disait vrai, après quelques mètres supplémentaires on avait de l’eau bien froide et marron jusqu’à la poitrine ! Mais une belle surprise nous attendait, il y avait en effet un nid de héron cendré avec des œufs. C’était mon premier nid ! Au retour dans la voiture, nous étions trempés mais au final cela nous faisait rire, et nous étions surtout heureux d’être au début d’une belle saison de terrain qui démarrait fort !
Quelle a été votre plus belle rencontre à la Tour du Valat ?
Difficile à dire tant tous les chercheurs de la Tour du Valat, Jean-Paul, et bien sûr Luc suscitaient ma profonde admiration. J’adorais également la gentillesse de tous les gens présents cet été 1994, ainsi que l’excellente cuisine et l’atmosphère de la cantine. C’est aussi lors de cet été 1994 que je fis la connaissance de Frank Cézilly, qui devint par la suite mon codirecteur de thèse et ami. Quand je regarde à la page 85 de l’ouvrage en hommage à Alan (Une vie consacrée aux oiseaux), il y a une photo qui me rappelle cette incroyable période. Ma plus belle rencontre à la Tour du Valat c’est eux tous ensemble.
Quelle espèce emblématique de Camargue préférez-vous ?
En tant que naturaliste, j’aime toute la Camargue et l’ensemble des espèces animales et végétales qui y habitent. J’avoue toutefois avoir un petit faible pour deux espèces d’oiseaux. J’ai ressenti une grande joie lorsque j’ai vu pour la première fois, grâce à Yves Kayser, des glaréoles à collier : l’élégance à l’état pur ! L’autre espèce que j’aime beaucoup pour son aspect et sa biologie singulière est le goéland railleur.
Pourquoi avez-vous adhéré à l’Association des Amis de la Tour du Valat ?
C’est simplement une évidence pour moi. La Tour du Valat m’a tellement apporté et influencé dans ma trajectoire et philosophie scientifique. Chaque fois que je viens à la tour du Valat, dès que j’arrive sur le chemin, j’ai un profond sentiment de bonheur, de bien-être et la certitude de trouver ce que j’adore : de la Science, de la Conservation et de l’Amitié. Etre adhérent à l’association c’est aussi la possibilité d’échanger avec des personnes avec qui j’ai forcément un point et un lien communs. Comme je le dis souvent à Jean et Patrick, si je peux à mon tour rendre des services à la Tour du Valat, n’hésitez pas à me demander, ce sera toujours avec grand plaisir. Enfin, être adhérent, c’est aussi pour moi une façon de manifester mon soutien et mon admiration pour cette incroyable aventure lancée par Luc il y a 66 ans. Qu’elle perdure et qu’elle continue son action en faveur des zones humides !
Auriez-vous des conseils ou messages à passer aux générations futures qui viendront faire un petit bout de leur chemin à la Tour du Valat ?
Profitez de ce merveilleux passage, imprégnez-vous de la Tour du Valat, de sa culture et de ses valeurs. Quelle que soit votre trajectoire par la suite, soutenez la Tour du Valat dans ses actions pour la protection de la nature, la planète en a tellement besoin.