Quand êtes-vous venu pour la première fois à la Tour du Valat et pour quelle occasion ?
En juin 1978! J'étais en dernière année de mon BSc en sciences à l'université de Durham et je cherchais des opportunités de stage. J'ai reçu deux offres : une provenait de l'île Christmas dans l'océan Indien (mais aucun billet d'avion ni hébergement n'était pris en charge) ; et l’autre venait de Luc Hoffmann en Camargue qui me proposait de travailler un an à la Tour du Valat avec logement, pension et véhicule inclus, ainsi qu’un salaire de 500 F par mois. La décision a été facile et le soir même, juste après mon dernier examen, j'ai sauté dans ma Renault 4 rouge et j’ai parcouru les 1 600 km qui me séparaient de la Tour du Valat. Le début d'une très longue relation !
Quelle a été votre première impression ?
La Camargue est un milieu difficile pour le travail de terrain! Des journées caniculaires en été aux hivers parfois rigoureux, tout en passant par les mistrals du printemps et de l’automne, le climat pouvait être rude, sans parler des insectes ! Mais à chacune de ces saisons, on y découvre un milieu d'une beauté extraordinaire. La lumière scintillant dans l'eau et la formation de cristaux de sel dans les salines ; la clarté de certaines journées d'hiver où même le mont Ventoux est visible, les roseaux et les tamaris malmenés par le mistral : quel endroit magique !
Quel est votre meilleur souvenir à la Tour du Valat ?
La communauté soudée et amicale. Ceux qui vivaient à la Tour du Valat se réunissaient régulièrement dans la cour du mas le soir après une journée de dur labeur. La fin de la chaleur accablante de la journée, les insectes bourdonnants, les gens de tant de cultures différentes et, bien sûr, les pastis constituaient un mélange enivrant pour un jeune étudiant, que l’on ne peut pas oublier...
Quelle a été votre plus belle rencontre à la Tour du Valat ?
Luc Hoffmann, bien sûr! C'est seulement quelques années après mon départ de la Tour du Valat en 1983 à la fin de mon doctorat, que j’ai commencé à prendre pleinement conscience de l'influence de ce grand et modeste homme, qui nous rejoignait régulièrement pour un dîner à la cantine, apportant avec lui quelques bouteilles de bon vin. Après deux décennies au conseil d'administration de la Tour du Valat et aujourd'hui membre du conseil d'administration de la fondation MAVA qui poursuit son travail, je reconnais à la fois l’influence en tant que personne qu’il a eu sur moi et qu’il continue à avoir et son immense contribution pour la conservation de la nature, à l’échelle mondiale. Je me sens privilégié de l'avoir connu et d’avoir travaillé avec lui.
Quelle espèce emblématique de Camargue préférez-vous ?
Eh bien, ce doit être le héron pourpré, un des sujets de ma thèse de doctorat. John Krebs, qui travaillait alors sur les guêpiers d’Europe, m’a toujours rappelé l’importance de choisir avec soin son animal d’étude ; il faut qu’il soit facile à observer et actif seulement pendant les heures « civilisées ». Malheureusement, j'ai fait le mauvais choix, mais quel oiseau fascinant!
Pourquoi avez-vous adhéré à l’Association des Amis de la Tour du Valat ?
Pour soutenir la Tour du Valat qui a eu une telle influence sur ma vie et rester en contact avec des amis. Je suis membre du conseil d’administration de l’Association, mais il n’est pas facile de jouer un rôle utile en étant loin, ni de participer aux activités régulières auxquelles les membres locaux ont accès. Mais il est bon de savoir que l’Association est présente et offre une autre manière de s’engager pour le personnel, les collaborateurs et les amis (passés, présents et futurs).
Auriez-vous des conseils ou messages à passer aux générations futures qui viendront faire un petit bout de leur chemin à la Tour du Valat ?
Chérissez chaque jour passé à la Tour du Valat. Ces années ont été parmi les plus formatrices de ma vie et ce sera peut-être la même chose pour vous. Seul l'avenir nous le dira.