Bonjour, Phèdre, l’ultime tragédie profane de Jean Racine, nous dévoile une passion dévorante et incestueuse.
| | | | | Bonjour, Phèdre, l’ultime tragédie profane de Jean Racine, nous dévoile une passion dévorante et incestueuse.
| | | | | Episode 35 | | Cette pièce en 5 actes et 1654 alexandrins, inspirée d’une tragédie du poète grec Euripide, raconte l’amour de Phèdre pour son beau-fils Hippolyte, fils de Thésée, son époux. Dans ce passage, Phèdre avoue à sa nourrice et confidente, son amour illégitime pour Hippolyte, qui la ronge et lui fait souhaiter sa mort prochaine comme seule issue à sa souffrance. Dans sa préface, Racine écrit que « Phèdre n’est ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente. » Sa destinée et la colère des dieux l’entraînent dans une passion qui obéit à des lois qu’elle ne maîtrise pas et qui la dépassent. | | | | | « ŒNONE Aimez-vous ?
PHÈDRE De l’amour j’ai toutes les fureurs.
ŒNONE Pour qui ?
PHÈDRE Tu vas ouïr le comble des horreurs. J’aime… À ce nom fatal, je tremble, je frissonne. J’aime…
ŒNONE Qui ?
PHÈDRE Tu connais ce fils de l’Amazone, Ce prince si longtemps par moi-même opprimé ?
ŒNONE Hippolyte ? Grands Dieux ! PHÈDRE C’est toi qui l’as nommé !
ŒNONE Juste Ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace. Ô désespoir ! ô crime ! ô déplorable race ! Voyage infortuné ! Rivage malheureux, Fallait-il approcher de tes bords dangereux ?
PHÈDRE Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d’Égée Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée, Mon repos, mon bonheur semblait être affermi ; Athènes me montra mon superbe ennemi. Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ; Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ; Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ; Je sentis tout mon corps et transir, et brûler ; Je reconnus Vénus et ses feux redoutables, D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables. Par des vœux assidus je crus les détourner : Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ; De victimes moi-même à toute heure entourée, Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée. D’un incurable amour remèdes impuissants ! En vain sur les autels ma main brûlait l’encens : Quand ma bouche implorait le nom de la déesse, J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse, Même au pied des autels que je faisais fumer, J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer. Je l’évitais partout. Ô comble de misère ! Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père. Contre moi-même enfin j’osai me révolter : J’excitai mon courage à le persécuter. Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre, J’affectai les chagrins d’une injuste marâtre ; Je pressai son exil, et mes cris éternels L’arrachèrent du sein et des bras paternels. Je respirais, Œnone ; et, depuis son absence, Mes jours moins agités coulaient dans l’innocence : Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis, De son fatal hymen je cultivais les fruits. Vaines précautions ! Cruelle destinée ! Par mon époux lui-même à Trézène amenée, J’ai revu l’ennemi que j’avais éloigné : Ma blessure, trop vive, aussitôt a saigné. Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée : C’est Vénus tout entière à sa proie attachée. J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ; J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur. Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire, Et dérober au jour une flamme si noire : Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats ; Je t’ai tout avoué ; je ne m’en repens pas, Pourvu que, de ma mort respectant les approches, Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches, Et que tes vains secours cessent de rappeler Un reste de chaleur, tout prêt à s’exhaler. » Jean Racine, Phèdre, Acte I, scène 3 (1677) | | | | | | | | Les jaloux et détracteurs de Racine tentèrent, à travers un auteur, Pradon, soutenu par Corneille, de parasiter sa pièce par un autre Phèdre, qui n’eut malgré tout qu’un succès de courte durée. Une cabale déchaînée s’attaqua à Racine, et dénonça notamment le caractère scandaleux de son intrigue. Mais le triomphe eut raison de cet acharnement et élut à la postérité le Phèdre que l’on joue encore aujourd’hui. Celui de Racine.
| | Jean Racine, poète et dramaturge, a écrit quasiment une pièce par an, de 1664 à 1677. De La Thébaïde (1664) à Phèdre (1677), en passant par Andromaque (1667) qui, par son succès, assoira sa renommée, huit de ses dix pièces sont inspirées des auteurs de l’Antiquité, à l’exception des Plaideurs (comédie de 1668) et de Bajazet (1672). Esther (1689) et Athalie (1691), tragédies bibliques plus tardives, sont à part. | | Après Phèdre, il cessera d’écrire pendant une longue période pour devenir l’historiographe du roi Louis XIV. Mais son travail disparut entièrement dans un incendie. | | Un extrait choisi avec conviction par John. | | Quand il ne joue pas avec son image pour des montages vidéo, John fréquente les théâtres et salles obscures. Il aime à faire revivre l’émotion qui l’a traversé devant ces pièces et films à travers les mots qu’il écrit sur son blog. Du magma de ses lectures, il nous livre ici quelques pépites pleines de résonance. Retrouvez-le sur son blog. | | | | | Pour combler votre passion des mots et des lettres, une prochaine citation nous allons vous promettre. | | | | | Avec son format, le carnet l’utile se glisse dans toutes les poches. L’alternance entre pages quadrillées et pages en pointillés répond à tous vos besoins. Ses pages détachables permettent de glisser facilement vos petits mots à tous et une petite pochette à la fin du carnet de ranger tous vos papiers.
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